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Quand pins et sapins remplacent les forêts de feuillus…

Marqueur important de notre gestion forestière depuis un siècle, le remplacement massif de certaines forêts d’arbres feuillus comme le boisement d’espaces naturels de type landes, prairies ou jachères agricoles, ont radicalement transformé certains de nos paysages en France. De quoi parle-t-on et en quoi ces changements peuvent être préjudiciables pour la biodiversité ?

 


L’enrésinement peut se définir comme une augmentation et/ou l’apparition de la proportion des conifères (arbres résineux) dans un peuplement forestier, au détriment des feuillus. Il peut également renvoyer au boisement de certains espaces jugés peu productifs comme ce fut le cas dans les Landes qui a connu un profond bouleversement de ses écosystèmes.

Avant de faire un zoom sur cette approche sylvicole, retour sur les deux grandes typologies d’arbres que sont les feuillus et les résineux. Les feuillus sont des arbres à feuilles caduques, ce qui signifie qu’ils perdent leurs feuilles en hiver. Leurs larges feuilles changent de couleur à l’automne avant de tomber, et répandent leurs graines à l’aide de fleurs. C’est le cas, par exemple, du chêne, du hêtre ou du bouleau. Ces peuplements se situent essentiellement dans les plaines ou à moyenne altitude.


Les résineux, également appelés conifères, ont des aiguilles qu’ils conservent durant l’hiver. On peut citer des arbres comme l’épicéa, le pin sylvestre ou bien le douglas (attention, il existe cependant quelques exceptions comme le mélèze dont les aiguilles sont caduques). Ils s’accommodent de conditions plus difficiles que certains feuillus et ont un cycle de croissance plus rapide. Leurs peuplements se situent majoritairement en zone montagneuse, et désormais dans le massif landais et dans les plantations de plaine réalisées par l’homme en France. Aujourd’hui, plus de la moitié du volume de bois commercialisé est issu de résineux, car ils sont plus rapidement exploitables. C’est ainsi que pour répondre à la demande croissante du matériau bois, la rotation de la forêt est accélérée, les essences plantées modifiées et les paysages transformés.




Quelques mois après la COP 21 (2015) à Paris, un article paru dans la revue Science mettait en évidence que certaines pratiques en gestion forestière allaient à l’encontre des objectifs attendus pour la planète et ne contribuaient pas à l'atténuation du changement climatique. Cet article rappelle les grandes évolutions de l’histoire des forêts européennes depuis 260 ans avec des actions vertueuses comme délétères pour le climat. Les premières concernant la forte expansion des surfaces forestières et une sylviculture favorisant les futaies (grands arbres issus de semis utilisés pour des usages à long terme) plutôt que les taillis (cépées ou plusieurs tiges poussant sur une même souche pour des usages à plus court terme). A l’inverse, la mise en gestion de forêts auparavant inexploitées, ainsi que la conversion de forêts de feuillus (chêne, hêtre…) en résineux (pins, épicéa…) auraient ainsi contribué à aggraver le dérèglement climatique.


L’évolution de nos pratiques sylvicoles et les demandes en bois de la société moderne ont favorisé un développement de l’enrésinement. Ce mode de gestion s’est basé sur une sylviculture intensive à courte rotation, avec des traitements et des plans de récoltes prédéfinis et la plantation d’une essence unique (monoculture).




Vous avez sûrement déjà entendu parler de la monoculture de résineux, notamment de Douglas. Depuis plusieurs années, nombreux sont les articles de presse locale relayant la colère des habitants à l’égard de la gestion sylvicole appliquée sur leur territoire. C’est notamment le cas dans le Limousin ou dans le Morvan. Au centre de cette réalité, la transformation des forêts de feuillus du Morvan remplacées petit à petit, par le biais de coupes rases et de reboisements, par des résineux plus rentables économiquement. Pour comprendre les reproches faits à cette méthode de production de ces pins, il suffit de se rendre sur ces territoires, là où les paysages se transforment depuis plusieurs décennies, là où le douglas y est cultivé de manière intensive, avec les mêmes procédés (et dérives) que dans l’agriculture.


Originaire d’Amérique du Nord, le sapin Douglas est aujourd’hui la deuxième essence la plus plantée en France, derrière le pin maritime. Facile à cultiver, résistant, cylindrique, cette espèce présente de nombreuses qualités dont les industriels sont friands. En effet, cet arbre a la particularité de pousser très vite (1 cm de diamètre par an) et très droit. C’est également une espèce qui s’acclimate à de nombreuses conditions de sol et de climat. Son bois et ses qualités intrinsèques en font une ressource précieuse pour les industriels : droit, solide, beau et au cœur imputrescible.


Ce sont désormais, des massifs entiers comme le Morvan, le Beaujolais ou le plateau de Millevaches qui sont en passe de devenir d’immenses champs d’arbres, qui remplacent, après des coupes rases, des forêts de feuillus natifs et centenaires. Ce phénomène appelé aussi enrésinement se fait au détriment de la forêt, cet écosystème complexe bien différent d’une plantation alignée monospécifique (une seule espèce d’arbre) d’une même classe d’âge.


Ce type de gestion forestière n’est pas sans conséquence sur l’écosystème. Du fait de la plantation d’une seule essence, et de la faible diversité génétique des jeunes plants, les arbres se retrouvent naturellement davantage exposés aux maladies (maladie de l’encre chez le châtaignier par exemple) et aux ravageurs (scolytes sur les épicéas par exemple). La capacité de résistance aux menaces biotiques d’une forêt ne pouvant s’exprimer pleinement.




Les sols composés de matières organiques et minérales mais également de micro-organismes, d’insectes, de champignons et d’une myriade d’autres espèces sont soumis à de nombreuses épreuves avec ce mode de gestion. Mis brutalement en lumière par les coupes rases, tassés par des engins forestiers de plus en plus lourds et enfin contraints par les exigences nutritionnelles d’une même culture pendant plusieurs cycles, ils s’appauvrissent et favorisent le relargage du carbone dans l’atmosphère. Fragilisés, décapés, érodés et parfois soumis à des produits phytosanitaires, ces supports précieux du vivant perdent peu à peu leurs facultés d’accueillir une régénération naturelle diversifiée.

La monoculture des résineux a des effets non négligeables sur l’écosystème forestier et les milieux naturels à plus grande échelle. Les aiguilles et branches tombées au sol provoquent une acidification de l’humus réduisant drastiquement les espèces végétales et fongiques présentes. Associé à la forte densité du couvert limitant la lumière au sol, ils provoquent une baisse de la biodiversité animale et végétale du sous-bois ou du cours d’eau adjacent. Enfin la croissance rapide des résineux exerce également un effet de pompage sur l’eau disponible dans le sol. Une fois arrivés à maturité, les arbres sont coupés d’un trait, au même âge.


S’ajoutent à ce désastre écologique des facteurs environnementaux propres aux territoires : la topologie, la géographie, le climat mais aussi l’urbanisation et les activités anthropiques adjacentes, viennent accroître les méfaits de ce mode de gestion.


On sait également aujourd’hui que les monocultures stockent beaucoup moins de carbone que les forêts naturelles. Selon une étude publiée dans la revue Nature des chercheurs de l'University College de Londres fondés sur les engagements de 43 pays, seule la biodiversité de forêts naturelles est capable de capturer suffisamment de carbone atmosphérique pour maintenir le réchauffement de la planète sous la barre des 1,5 °C. Ils ont en effet démontré que les forêts naturelles stockent 40 fois plus de carbone que les plantations et maintenir une diversité d’espèces d’arbres dans les forêts est désormais cruciale pour lutter contre le réchauffement climatique.


Enfin cette industrialisation est également source de tensions entre les populations locales, attachées à leurs massifs boisés et leurs forêts natales. L’exploitation intensive et les monocultures viennent dégrader leur environnement, leur qualité de vie, mais aussi leurs paysages. Auparavant riches, denses et d’une grande diversité, les forêts deviennent dans certaines régions de véritables champs d’arbres stéréotypés.


Privilégier les monocultures pour faciliter la gestion sylvicole et sa mécanisation entraîne bien davantage qu’un changement de nos paysages. Comprendre les risques encourus en continuant à agir avec une vision anthropocentrée de la forêt peut nous permettre de reconsidérer nos pratiques.





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