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Planter des arbres : greenwashing ou solution ?

Dernière mise à jour : 27 avr. 2020

Depuis le 1er janvier 2020 tous les clients Air France se voient proposer "un voyage neutre en carbone en France" explique Anne Rigail, directrice générale d'Air France, dans un communiqué. La compagnie se prévaut désormais de compenser les émissions de gaz à effet de serre de ses vols domestiques grâce à plusieurs projets de reforestation dans les pays de l'hémisphère sud. Elle n'est pas la seule. De plus en plus de compagnies aériennes et de groupes industriels s’inscrivent dans cette démarche leur permettant d'acheter des crédits carbone. Une tendance relayée à grand renfort de communication dans les médias pour contrebalancer l'impact négatif sur le climat de leurs activités.



Compensation carbone kézako ?

Le principe de la compensation carbone est de 'neutraliser' les impacts d’une tonne de carbone émise par une industrie, par le financement de projets permettant la séquestration à long terme du carbone hors de l'atmosphère ou la réduction d’une autre tonne de carbone ailleurs via des changements de pratiques/technologies. Les projets validés dans ce contexte sont variés : de l'efficacité énergétique aux énergies renouvelables, d'une meilleure prise en charge des déchets à la plantation de forêts...

Pourtant la compensation carbone est un principe de plus en plus critiqué. Et pour cause. Si cette solution est en théorie favorable pour lutter contre les émissions de gaz à effet à serre et par là-même le dérèglement climatique, elle apparaît aujourd'hui dévoyée et offre l'opportunité pour nombre d'activités polluantes de se dédouaner de leur fort impact négatif sur la planète. Le principe de base étant de réduire son empreinte carbone avant de chercher à la compenser. Or nombre d'entreprises ont aujourd'hui abordé le problème à l'envers, s'offrant ainsi une vitrine verte à grand renfort de communication et de financement d''éco-projets. Ainsi la phase de réduction des émissions actuelles de CO2, largement prioritaire, est délaissée au profit de stratégies de greenwashing. Planter des arbres plutôt que d'agir sur sa propre pollution. Soutenir des projets plutôt que de réduire ses déchets. Et les activités polluantes perdurent avec le business.


Les mots ayant une importance dans la perception des enjeux, certains acteurs préfèrent aujourd’hui parler de 'contribution carbone' en lieu en place de la 'compensation carbone'. Une manière de rappeler aux entreprises que la neutralité carbone consiste à réduire au maximum ses émissions de gaz à effet de serre, avant de chercher à compenser l’intégralité des émissions restantes.



Faut-il planter des arbres ?

La reforestation à grande échelle est de plus en plus présentée comme étant la solution miracle pour lutter contre le réchauffement climatique. Et les entreprises comme les Etats en ont fait un axe majeur de leur discours environnemental. Véhicule parfait pour (re)verdir leur image auprès des consommateurs comme des citoyens. Les exemples sont légion et se concurrencent par leur démesure : du pétrogazier Shell qui prévoit d’investir 17 millions euros dans l’achat de crédits carbone à Microsoft engageant 1 milliard de dollars pour compenser son empreinte carbone depuis... 1975 ! En passant par les records de l'Inde qui a revendiqué la plantation de 66 millions d'arbres ou de l'Ethiopie avec 350 millions de plants en une journée, pour culminer fin janvier 2020 avec la campagne des responsables politiques et dirigeants de grandes entreprises, promettant 1000 milliards d'arbres d'ici 2030. Une démarche fortement médiatisée dans le cadre du Forum économique mondial (WEF) de Davos basée pourtant uniquement sur des déclarations de bonnes intentions.


Si les arbres apparaissent comme la réponse au dérèglement climatique et offrent bien de nombreux services écosystémiques, leur plantation ne saurait résoudre de manière simpliste la situation actuelle. De plus toutes les forêts ne peuvent être comparées. De nombreux paramètres influent sur leur capacité à séquestrer le carbone : essences plantées, maturité du peuplement, densité de boisement, conditions climatiques, propriétés des sols... Considérer au même chef une forêt primaire et une monoculture est une aberration. De même que comparer un peuplement de jeunes arbres à un boisement mature. Tout comme réduire une forêt à sa dimension 'production de bois' ou 'stockage du carbone'.


Les forêts d’exploitation - largement majoritaires sur notre territoire - sont plantées non dans un objectif de préservation de la biodiversité ou de stockage du carbone, mais bien de sylviculture. Et suivant les essences retenues, les arbres seront récoltés entre 50 et 120 ans après leur plantation pour être transformés au mieux en bois d'oeuvre, au pire en pellets ou pâte à papier. Replanter pour ensuite couper, c'est simplement différer le relargage dans l'atmosphère du carbone emmagasiné : une partie de celui-ci sera relâché dans l’atmosphère lors de la coupe, et le restant à la destruction du bois prélevé (par exemple lors de la combustion du bois de chauffage). Or aujourd'hui il est urgent d'absorber des volumes massifs de CO2 déjà générés par l'activité humaine et les carburants fossiles tout en préservant les réservoirs de carbone déjà fixés. Autrement dit de conserver l'existant, lui permettre de pleinement jouer son rôle de puits de carbone tout en favorisant le développement de nouvelles forêts.


Il importe donc de bien identifier le rôle attendu des forêts. Et de ne pas oublier les multiples bienfaits que ces écosystèmes procurent au-delà de de l'avantage majeur généré par l'urgence climatique : stabilité et fertilité des sols, purification et rafraîchissement de l'air, filtration et régulation de l'eau, support vivant de biodiversité...



L'afforestation comme unique solution ?

En juillet 2019, un article de l'équipe de Thomas Crowther paru dans le magazine Science indiquait qu'une plantation massive d'arbres, de l'ordre de 1200 milliards pourrait permettre de régler le problème climatique en absorbant une grande quantité de carbone. De nombreux scientifiques ont vivement réagit à cette étude jugée inexacte ou approximative. Notamment Pierre Fridelingstein et ses collègues qui rappelaient un principe essentiel : « la restauration des forêts ne peut compenser qu’une partie des émissions futures, et est d’un intérêt limité sans réduction drastique de nos émissions fossiles (…). L’affirmation selon laquelle une plantation mondiale d’arbres serait la solution la plus efficace contre le changement climatique est incorrecte d’un point de vue scientifique, et dangereusement trompeuse ». Politiques et industriels ont rapidement rebondit sur l'étude initiale, elle-même largement relayée par les médias. Les nombreuses réserves et corrections argumentées apportées par la suite par des dizaines de scientifiques ont malheureusement connu nettement moins d'écho. Au point que le discours dominant reste cruellement simplifié.


Alors, si effectivement, planter des arbres est une belle idée pour réduire le carbone atmosphérique et améliorer les conditions climatiques et édaphiques (sols) localement, il est essentiel de ne pas perdre de vue qu'avant toute chose, dès maintenant, il convient de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, comme le préconise le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Favoriser le reboisement de certains territoires n'est pas contradictoire avec ces objectifs, mais il ne doit pas servir d'alibi à des opérations de greenwashing et légitimer l'inaction en matière de réduction des pollutions. Bien au contraire, il devrait nous permettre de remettre en perspective nos actions et d'agir sur les deux plans simultanément : réduire au présent et juguler au futur. Comme l'indique l'association les Amis de la Terre :" On sait que la pollution des avions, elle, est immédiate, contrairement à la séquestration du carbone par les arbres"

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