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Espèces invasives : qui sont-elles et comment les éviter ?

Dernière mise à jour : 6 janv. 2022

Aujourd’hui, les Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) sont reconnues comme la troisième cause de l’érosion de la biodiversité mondiale. Selon les dernières estimations de la Liste rouge de l’UICN, elles constituent une menace pour près d’un tiers des espèces terrestres menacées et sont impliquées dans la moitié des extinctions connues. Mais qu’entendons-nous par Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) ? Par définition, il s’agit d’un déplacement d’espèces, induite volontairement ou accidentellement par l’activité humaine, dans des territoires très éloignés de leur aire de répartition naturelle. Ainsi, une espèce exotique (EE) est déterminée comme une espèce allochtone (ou exogène), c’est-à-dire une espèce qui n'est pas originaire de la région considérée. Aujourd’hui, les introductions d’espèces sont fortement corrélées à la mondialisation des échanges, et sont donc majoritairement accidentelles. De par sa diversité de climats et de milieux, sa position de carrefour géographique en matière de flux de marchandises et de personnes entre l’est et le sud de l’Europe, le territoire métropolitain est fortement touché par la présence d’espèces exotiques envahissantes, qu’elles soient de nature végétales ou animales. Comment sont introduites ces espèces ? Quelles sont les conséquences de leur installation durable dans de nouveaux écosystèmes ? Et surtout, comment pouvons-nous lutter contre ce phénomène ? Nous vous donnons quelques éléments de réponse dans cet article, qui s’intéressera exclusivement au règne végétal.

 

Comme nous, une plante est constituée de plusieurs organes et/ou parties. Ces derniers, capables de survivre puis de se reproduire (boutures, graines, fruits…), sont considérés comme des EEE potentielles. C’est dans cette optique que leur gestion devient complexe.

Mais ces phénomènes ne sont pas récents puisqu’il a été mis en évidence que l'humain déplaçait des espèces végétales depuis le début de l’agriculture, au néolithique (- 10 500 ans avec J.-C.) ! C’est l’accroissement des échanges internationaux qui n’a fait qu’accroître cette problématique.


Ainsi, cette terminologie qui peut sembler complexe au premier abord, prend tout son sens lorsque l’on comprend que ces espèces invasives représentent une réelle menace pour les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes, avec des conséquences à la fois écologiques, économiques et sanitaires considérables.



Comment sont introduites ces espèces ?

Rappelons, qu’aujourd’hui, les introductions sont majoritairement accidentelles et liées à la mondialisation des échanges.



Une prise de conscience récente ?


C’est au Sommet de Rio, en 1992, qu’il a été décrété que les espèces invasives, les EEE, avaient un impact considérable sur la biodiversité. Au niveau européen, sur environ 12 000 espèces allochtones (tous groupes confondus), 10 à 15 % d’entre elles sont considérées comme étant des EEE. C’est la raison pour laquelle, en 2004, une stratégie européenne a été mise en place pour enrayer la perte de la biodiversité. En France, le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire institua le 14 février 2018, l’arrêté relatif à « la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces végétales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain .


Toutefois, malgré la mise en place de décrets, arrêtés et circulaires, la diffusion de ces espèces reste encore favorisée : vente libre en jardinerie, fleurissement d’espaces publics, apicultures… En effet, qui n’a pas déjà retrouvé dans sa jardinerie, des semences d’Herbe de la Pampa (Cortaderiaselloana ‘rosea’) en vente libre ?


Herbe de la Pampa (plumet argenté), d’après un site de semences végétales en ligne

Remarque : le site internet, dont la photo ci-dessus est issue, est un site de vente en ligne qui propose des graines et semences accessibles à n’importe quel utilisateur (particuliers comme professionnels). Ces sites marchands sont de plus en plus nombreux et doivent être utilisés avec parcimonie et précaution ! En effet, les fiches de présentation ne présentent pas le caractère potentiellement « invasif » de ces espèces. Il est donc préférable de se renseigner sur l’écologie de l’espèce avant tout achat. Pour cela, vous pouvez également vous fier au label Végétal local, qui garantit au consommateur de l'origine locale d'un végétal sauvage. Ainsi, il contribue à la mise en place et la promotion de filières de production de végétaux adaptés à des territoires spécifiques.


Quel est le processus d’invasion de ces espèces ?


Ici, on entend par processus d’invasion, une suite de « barrières » à franchir.

Représentation schématique des principales barrières limitant le processus d’invasion biologique, d’après Richardson et al. (2000).



En 1996, Williamson et son équipe, ont mis en évidence la « règle des 3 x 10 » : sur 1000 espèces exotiques importées (qui quittent leur territoire d’origine), 100 deviennent des espèces exotiques introduites (qui arrivent dans le nouveau territoire), 10 deviennent des espèces exotiques naturalisées (qui se naturalisent, c’est-à-dire capable de se reproduire sans l’intervention de l’Homme et qui va se mélanger à la flore locale) et 1 devient une espèce invasive, soit une espèce exotique envahissante. Ainsi, pour 1000 espèces exotiques, 1 espèce devient une EEE.


Un exemple en milieu aquatique : les Jussies

Les Jussies (Ludwigia sp.), de la famille des Onagraceae, sont des plantes aquatiques originaires d’Amérique du Sud. Elles se développent en eau douce (canaux d’irrigation et de drainage, marais, mares…). Ces espèces sont des hydrophytes fixées, c’est-à-dire des plantes qui doivent vivent immergées dans l’eau en permanence, et en été, les tiges émergées sont reconnaissables par leurs fleurs jaunes.


La Jussie, appréciée comme ornement des bassins dans les jardins, a été introduite au XIXème siècle. En effet, celle-ci a été introduite volontairement pour la première fois dans le Lez en 1830 (jardin botanique de Montpellier). Mais petit à petit, elle a envahi les étangs landais, la Brenne et le Marais poitevin. Les conséquences sur la biodiversité, végétale et animale, locale ont été considérables : asphyxie du milieu, disparition des poissons, envasements des rivières... Cette propagation a été facilitée par le fait qu’elle était disponible en vente.


C’est la raison pour laquelle, dans les années 1970, elle a été identifiée comme plante invasive, et depuis 2007, les jussies envahissantes sont interdites de commercialisation, de transport et d’introduction dans le milieu naturel volontairement ou involontairement (arrêté ministériel du 2 mai 2007). Aujourd’hui, tout le réseau hydrographique français est impacté par cette plante hydrophile (qui vit dans le milieu aquatique). Précisons tout de même que toutes les espèces de jussies ne sont pas considérées comme EEE.


L’un des principaux canaux du marais de Saint-Viaud (Pays-de-Retz), recouvert de jussies, source Ouest-France (15/08/2020)



Quels sont les impacts des EEE ?


Les conséquences de l'introduction d'espèces invasives sont variées, et peuvent être néfastes de diverses façons :

  1. Impacts écologiques

    1. Sur la biodiversité : compétition avec les espèces indigènes (pour la nourriture ou la lumière par exemple), transmission de maladies et de parasites (et par conséquent, qui entraîne la disparition locale d’espèces inféodées à leur milieu) ;

    2. Sur le fonctionnement des milieux : changements des propriétés du sol, des plans et cours d’eau, banalisation du paysage…

  2. Impacts sanitaires (2 exemples)

    1. Berce du Caucase (Heracleum mangezzinum) : plante phototoxique. Les substances toxiques présentes dans toute la plante sont activées par la lumière et entraînent des brûlures au contact de la peau ;

    2. Ambroisie (Ambrosia artemisifoliia) : pollen allergisant.

  3. Impacts économiques

    1. Baisse des rendements et de la qualité des cultures (agriculture) ;

    2. Milieu aquatique ; limitation des activités liées à l’eau en faisant obstacle à la circulation de l'eau et entravant la gestion hydraulique des marais, gênant la circulation des embarcations, la progression des personnes ou la pratique de diverses activités (pêche, promenades touristiques en barques, canoë-kayak …). Elles sont, en définitive, une charge d'entretien supplémentaire pour les propriétaires ou les ayants droit des espaces colonisés par la plante ;

    3. Coût de gestion des EEE (Fig. 4) : moyens mis en œuvre pour éradiquer et/ou limiter leur propagation ;

    4. Soins médicaux relatifs au développement des EEE (impact sanitaire, par exemple l’ambroisie).

En Europe continentale, selon l’Office Français de la Biodiversité (OFB), les coûts générés par la gestion et la réparation des dommages causés par les invasions biologiques ont été estimés à plus de 12,5 milliards d’euros par an.


Récemment, des scientifiques du CNRS, de l’Université Paris Saclay, du Muséum National d’Histoire Naturelle et de l’Université de Rennes 1 ont livré une estimation très complète des coûts engendrés par les espèces envahissantes en France.

Estimations des coûts économique et environnemental des EEE, d’après le Portail d'information sur la faune et la flore invasives en Auvergne-Rhône-Alpes



Certains écosystèmes sont plus vulnérables au développement de ces EEE. Ce dernier pouvant être à l’origine d’« extinctions en masse » d’espèces endémiques, c’est-à-dire spécifiques à une région géographique particulière (appelées également espèces indigènes). On parle ainsi des :

  • Ecosystèmes insulaires : 50 % des 100 EEE les plus invasives (faune et flore) sont présentes dans ces écosystèmes (ex : Outre-Mer) ;

Prenons l’exemple de l’île de la Réunion : dans ces habitats, on retrouve de nombreuses espèces qui vivent exclusivement sur un seul et même territoire : des espèces endémiques. Sur cette île, cela représente 28 % de la flore, soit un très fort taux d’endémisme. Mais lorsque l’homme s’est installé sur l’île au XVIIème siècle, il a introduit de nombreuses plantes (café, canne à sucre, plantes ornementales, Ajonc, Acacia mearnsii...). En fonction du temps, les plantes introduites ont été de plus en plus nombreuses, impactant considérablement la flore locale.

  • Ecosystèmes instables : habitats dégradés (qui ont subi des perturbations naturelles ou anthropiques) et habitats naturels fragiles (ex : milieu dunaire).

Soumis à des perturbations naturelles ou anthropiques, les écosystèmes deviennent plus fragiles et sont plus susceptibles d’être impactés par les invasions d’espèces. Ici, une invasion est donc un symptôme d’un dysfonctionnement de l’écosystème.


Les habitats naturels fragiles, par exemple les dunes, sont eux aussi soumis à ces contraintes. Au début du XXème siècle, l’Afrique du Sud a entrepris des travaux d’ornementation et de stabilisation des sols dunaires, mais ces aménagements ont entraîné une perte de 35 à 60 % de la biodiversité locale, modifiant la nature des sols (acidité) et ainsi, le fonctionnement des écosystèmes locaux.



Comment faire face aux phénomènes d'invasion des espèces ?


3 stratégies pour faire face aux espèces invasives - Etats Sauvages


Plusieurs techniques existent :

  1. Contrôle manuel et/ou mécanique pour l’éradication et pour les invasions (utilisé dans la gestion des Jussies) : arrachage, fauchage, moissonnage, débroussaillage, coupe c’est-à-dire l’élimination de l’espèce uniquement pour des opérations précoces menées lorsque l’écosystème est peu envahi, l’invasion est récente et/ou la surface envahie est réduite. Les opérations doivent être répétées régulièrement lorsque les invasions sont plus importantes. Ces techniques sont aussi bien utilisées pour les espèces terrestres (renouée, berce du Caucase, robinier, séneçon du Cap) ou aquatiques (jussie, myriophylle du Brésil, élodée, etc.) ;

  2. Contrôle chimique : herbicides (mais résultats partiels, temporaires, et impacts écologiques forts) ;

  3. Contrôle biologique : introduction d’organismes vivants consommateurs (insectes, gastéropodes, etc.) ou des pathogènes (champignons, bactéries, parasites) utilisés comme régulateur d’une espèce jugée nuisible ;

  4. Contrôle écologique : renaturation des milieux (arrêt des perturbations ou de l’artificialisation des milieux) ;

  5. Contrôle préventif : empêcher ou limiter l’introduction d’invasives potentielles par des actions éducatives et réglementaires.


Vous vous demandez sûrement comment vous pourriez agir à votre échelle ? Quelques conseils pour vous aider :

  • Arracher dans vos jardins, avant la floraison, pour la production de graines, ou couper régulièrement les nouvelles pousses à la base pour épuiser la souche ;

  • Les tailler avant la floraison, pour éviter la production de graines ;

  • Les remplacer par des essences locales ;

  • Avant d’acheter en pépinière, dans des magasins de bricolage ou dans d’autres endroits où vous pouvez acheter des plantes,vous pouvez vous renseigner sur l’écologie de la plante, sa provenance, si elle est listée dans les Listes de plantes invasives recensées dans votre région et, sans oublier, le label Végétal local comme indiqué précédemment;

  • Lors de vos voyages à l’étranger, veillez à ne pas rapporter de semences, de graines ou de plants d’espèces locales. Il en est de même pour l’importation de graines/semences par voie postale ;

  • Faire passer ces informations à votre entourage : voisins, amis, famille, collègues de travail…

Vous l’aurez compris, les espèces exotiques envahissantes représentent un enjeu majeur pour la préservation de la biodiversité. C’est la raison pour laquelle nous devons tous être vigilants et agir, à notre propre niveau, pour limiter la propagation d’espèces hors de leur territoire naturel. La préservation de la biodiversité est entre nos mains.

Pour parfaire vos connaissances et agir pour lutter contre ces invasions d’EEE, vous pouvez :


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